L’Union européenne en mode survie

À peine leur succès connu, la Ligue et le Mouvement des 5 étoiles ont tour à tour revendiqué la responsabilité du pouvoir, bien que sans majorité parlementaire. Vu des capitales européennes, l’horizon est chahuté. Hier la victoire de la coalition allemande redonnait espoir à ceux qui en attendent une ouverture, même réduite, en premier lieu le gouvernement français. Aujourd’hui, les mêmes doivent enregistrer la perte d’un allié italien potentiel, les deux vainqueurs des élections ne présageant pas un renforcement de leur camp.

L’Union européenne est désormais étroitement associée à la politique qui a été menée en son nom et va jouer les repoussoirs pour un temps indéterminé. Le calvaire imposé aux Grecs n’est pas prêt d’être oublié, d’autant qu’il se poursuit. Ce ne sont pas les timides mesures qui peuvent être désormais espérées outre-Rhin qui vont renverser la vapeur. Au contraire, le vent des réformes structurelles libérales ne peut qu’accentuer la recherche d’un refuge pour s’en protéger, et il n’y a pas grand-chose d’autre en magasin pour y parvenir que le repli nationaliste. Même des formations se recommandant de l’extrême-gauche flirtent avec le souverainisme dans une grande confusion des genres.

Donner de la crédibilité à un programme européen conséquent impliquerait de prendre des mesures radicales, ce qui apparait hors de portée. La manière biaisée avec laquelle les autorités européennes traitent le dossier de la fiscalité – de son optimisation à son évasion – n’encourage pas à y croire. À la recherche de recettes budgétaires pour boucler sans trop d’affrontements leurs fins de mois, afin de soulager la pression populiste qui alimente la crise politique, les gouvernements s’avèrent fort pusillanimes, ayant des intérêts à protéger. L’oligarchie n’est pas un vain mot. Alors, il ne leur déplait pas de détourner le ressentiment vers une autre cible que les banques en alimentant la xénophobie.

La même puissante vague atteint tous les pays que l’on a coutume de qualifier d’avancés et qui s’est traduite par le Brexit, l’élection de Donald Trump ou l’essor de l’AfD allemande et de la Ligue italienne. Quand on crie au loup… Les mises en garde des organisations internationales sont ignorées, l’Europe communautaire est difficilement maintenue en état de survie. L’existence de l’euro, aussi imparfaite soit sa construction, fait seule fragile barrière au déclenchement de la guerre monétaire, ce ferment du retour au chauvinisme.

13 réponses sur “L’Union européenne en mode survie”

  1. Nous allons droit vers un peu plus d’autoritarisme ,car ce que l’on ose appeler l’union européenne est partout en difficulté politique…En France Mr Macron a été élu à la suite de savantes manœuvres: mystérieuse « affaire Fillon  » sortant au bon moment ,maintien de Hamon que finalement personne ne soutenait pour « pomper » des voix afin que Mélenchon n’arrive pas au deuxième tour ,enfin mystérieux changement d’attitude de Mme Le Pen vis à vis de l’Euro qu’on appelle encore Euro mais qui en fait est le Mark….En Italie on va assister à un spectacle qui laissera les mêmes au pouvoir…Pas d’illusions ,c’est trop beau pour les riches ,ils ne quitteront pas le pouvoir gentiment…

  2. « Alors, il ne leur déplait pas de détourner le ressentiment vers une autre cible que les banques en alimentant la xénophobie. »

    La xénophobie a de plus l’avantage d’être le critère insurmontable qui interdit au camp populaire de s’unir. Ainsi que sa déclinaison dans la durée, le communautarisme. « Ils » seraient bien bêtes de ne pas s’en servir.

  3. « Même des formations se recommandant de l’extrême-gauche flirtent avec le souverainisme dans une grande confusion des genres. »

    Je ne comprends pas ce que signifie cette phrase. La révolution française de 1789-99 a clairement exprimé à gauche et à l’extrême-gauche de l’éventail des conceptions politiques, l’existence d’un genre souverainiste posant la primauté du peuple, dans son existence nationale délibérée, à définir la trame du pouvoir et de l’ordre économique du politique. De deux choses l’une, ou bien le fascisme est le logiciel de l’Europe et les clans qui tiennent le pouvoir ont l’exclusivité de la définition des genres et des concepts à penser l’économie et la politique. Ou bien, le peuple et les peuples en Europe ont encore une dignité à exister et il faudra bien qu’ils trouvent un moyen de reprendre le contrôle du pouvoir économique et politique à toutes les échelles de leur essence, de la commune locale à la confédération européenne. Pour remettre les élites au service du peuple dans les peuples auxquels elles appartiennent, est-il possible de ne pas prendre une position partisane à la gauche du genre souverainiste ?

    1. La confusion nait quand le rétablissement de la nation dans toutes ses prérogatives historiques (et dépassables) est privilégié.

      1. Certes François ; mais le rétablissement de la nation envisagé par la gauche en France ou en Italie est-il contraint ou déterminé par l’histoire et les expériences passées qui depuis deux siècles sont libérales sauf dans la parenthèse 1945-1989 ? N’y a-t-il pas une vision internationaliste, et non globaliste anti-souverainiste, de la finance et de la monnaie par laquelle la gauche soit capable contre le nominalisme ordolibéral de rétablir le lien national entre le peuple, l’économie et la politique ? Le cauchemar de l’euro dénoncé par les Italiens n’est-il pas l’impossibilité ordolibérale de penser la souveraineté internationale des peuples ?

        1. Je ne crois pas que la lutte contre le libéralisme passe par le rétablissement de la nation, qui ne peut plus prétendre à l’affranchissement, mais par la définition d’un autre paradigme. Il n’y a pas de problème, parmi ceux qui nous préoccupent, dont la solution se trouve à une autre échelle que celle de la planète.

          La nation, ce n’est pas un raccourci, c’est une impasse !

          1. Mettez une majuscule à Nation, s’il vous plait, Monsieur Leclerc.
            Et vous verrez, le mot sonne déjà différemment. ;=)

            Plus sérieusement, en revenir à l’idée de Nation (et pourquoi pas d’une Nation européenne si l’Europe peut, souhaite ou ose se définir comme telle) c’est peut-être simplement tenter de reprendre le problème là ou on a merdé.
            En attendant, bien sur, « la définition d’un autre paradigme »…

          2. Pierre Sarton du Jonchay

            « La nation, ce n’est pas un raccourci, c’est une impasse ! »

            Bravo François !

            C’est l’impasse des théoriciens qui restent figés sur les acquis historiques de la grande Révolution Française et font comme si il n’y avait pas eu de Révolutions en Russie.

            Et oui Pierre, que vous le vouliez ou non la théorie socialiste et internationaliste ça existe !

            Et pour ces théoriciens le nationalisme c’est la guerre, pas n’importe quelle guerre, la guerre impérialiste où les travailleurs s’entretuent sans trop savoir pourquoi.

          3. @Eninel,
            Il m’avait semblé que l’Union Soviétique était dissoute et le rideau de fer déchiré depuis bientôt trente ans… Sommes-nous revenus à l’âge des nations et de la paix négociable entre les nations ; ou sommes-nous dans un nouvel âge des empires où la guerre se règle par la « libre » circulation du capital au sein d’une oligarchie « mondialiste » ?

  4. Rien ne pourra se concevoir d’intelligible tant que les dirigeants, où qu’ils se trouvent, ne poseront pas comme prémisses à leur construction :
    1 / L’humanité consomme chaque année 1,7 planète
    2 / L’impérieuse nécessité de repousser, année après année et radicalement, le jour du dépassement ( 13 août en 2017 ).
    Mais il est toujours possible de perdre son temps à raisonner dans le cadre ancien. Et de vivre l’effondrement plus tôt que prévu.

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